
Lisa (prononcez Lissa à la Japonaise) est la 2e d’une fratrie de 4 enfants, tous nés dans l’Hexagone, d’une maman Japonaise et d’un papa Français. Avec Henri, son mari, Lisa a créé le Café Obrkof et Typica Paris specialty coffee, coffee-shops parisiens spécialisés dans le café de spécialité. C’est là qu’on peut la retrouver avec son sourire imperturbable et captivant, son regard joyeux, et sa bonne humeur communicative, qu’elle prenne ou serve votre commande, extraie un café d’exception, fouette un authentique matcha du Japon… Les pâtisseries maison, gourmandes et généreuses à souhait, c’est elle aussi. Rencontre avec cette jeune franco-japonaise, pour découvrir comment sa double culture s’invite au quotidien, dans sa vie personnelle et professionnelle.
Pour faire connaissance avec Marina MENINI (atelier DOMA, Paris) : ici
La moitié de tes racines sont japonaises ?
Ma mère est japonaise, originaire d’un tout petit village d’une dizaine de maisons dans les montagnes, dans la région d’Iwaté au nord-est du Japon. La plus grande ville à proximité est Morioka. C’est une zone très montagneuse, bordée par la mer sur la côte orientale. Mes parents se sont rencontrés durant un voyage en Angleterre, et ont choisi de vivre en France.
Lisa, mon prénom est japonais. Quand mon père a déclaré ma naissance à la mairie, il aurait dû mentionner Risa (qui en japonais se prononce Lissa). Ma maman l’a choisi parce que l’association des deux kanjis avec lesquels il peut s’écrire, signifie « la personne qui sait faire la différence entre le bien et le mal ».
Je vais régulièrement au Japon pour voir ma famille depuis que je suis née.
Quelle est ton activité professionnelle ?
J’ai 2 coffee-shops de café de spécialité à Paris, Obrkof (41 boulevard Voltaire) et Typica (8 rue des filles du calvaire).
J’ai découvert le monde du café de spécialité pendant que j’étais étudiante en Corée du sud. C’est là que j’ai commencé à boire du café, parce qu’il était bon, et à m’y intéresser. Parallèlement, j’ai toujours été fan de pâtisserie, et comme mes études m’ennuyaient, le projet attrayant d’ouvrir un petit café, où je proposerais des pâtisseries et du café de spécialité, s’est invité. Quand je suis revenue en France en 2015, il n’y avait pas encore beaucoup de café de spécialité à Paris. J’ai eu envie d’offrir ça aux Parisiens, une manière de leur dire : « un petit café, il est bon, installez-vous, on va le boire ensemble, ça devrait vous plaire ».
J’ai préparé un CAP de pâtisserie, et travaillé quelque temps en boulangerie pour connaître le métier. C’est là que j’ai rencontré Henri, mon mari, et on s’est lancés avec Obrkof qui a ouvert à l’été 2019. On est dans un quartier agréable, les gens sont hyper sympas, on a de la chance, il est vrai qu’on y met beaucoup de cœur.

Des influences japonaises chez Obrkof et Typica ?
Oui, surtout dans les boissons, les thés matcha, sencha, genmai sont Japonais, de la maison Jugetsudo.
Dans mes pâtisseries, j’utilise du matcha pour les cookies. J’aimerais proposer un cake matcha.
Je suis tentée d’utiliser du hojicha, que j’adore, mais c’est particulier, je ne sais pas si ça peut plaire. Je pourrais réaliser un hoji latte, avec de la poudre de hojicha à la place du matcha comme dans le matcha latte, mais j’hésite à le mettre à la carte, car je crains que sa saveur peu familière à la clientèle, ne rencontre pas l’adhésion.
Y a-t-il des spécialités culinaires dans la région d’Iwaté ?
Il y a les reimen, des nouilles de blé, qu’on mange froides, j’adore ça. Leur texture est un peu gluante. Elles sont servies dans un bouillon de bœuf, avec une petite tranche de bœuf, et un morceau de pastèque découpé en triangle. C’est très esthétique. Elles sont présentées avec un peu de kimchi à côté. C’est un plat salé avec une note sucrée. Il vient de Corée, où il est servi sans la pastèque.
Autre spécialité, les jajamen, d’origine chinoise, ce sont aussi des nouilles de blé, qui ont un peu la même texture que les reimen, avec un condiment de niku miso (sauce au porc et au miso).
Il y a aussi les wanko soba, qui signifie soba à l’infini, des soba froids, servis dans plusieurs petits bols, et le jeu consiste à se lancer le défi de celui qui en mangera le plus possible.
Tous ces plats appartiennent au registre de la cuisine de rue, on les consomme au restaurant, dans des gargotes.
A Paris, je ne retrouve aucune de ces spécialités.
À la maison, l’été, dans ma famille au Japon, on prépare du yakiniku, des bouchées de bœuf cuites au barbecue. On mange du natto, des petits légumes, du bon riz… Mes grands-parents maternels étaient agriculteurs, ils avaient des rizières, un potager.
Ma mère est très exigeante sur la qualité du riz, qu’elle consomme en grande quantité. Elle choisit un riz rond d’Italie, qui ne durcit pas quand il refroidit.
Quel est ton ingrédient ou plat japonais préféré ?
Le sushi ! Rien de plus simple en apparence, mais rien de meilleur.
Quand je suis au Japon, je vais aux restaurants du coin, c’est toujours très bon, j’adore ça !
En France, je n’en mange pas. Pour trouver l’équivalent ici, il faudrait aller dans des restaurants onéreux.
Je n’en fais pas non plus, parce que je ne saurais pas comment travailler le poisson.
Je fais des makis mais ça n’a rien à voir, les Français appellent ça des sushis, ça me rend folle !
Un sushi ça doit être cher, parce que c’est tout un art, avec des ingrédients et un savoir-faire d’exception. Certains pensent que c’est « juste » un petit morceau de poisson sur du riz…
Je suis fan de natto aussi, j’en mange depuis que je suis toute petite.
J’aime les umeboshi, le nori, des petits trucs simples qu’on mange tous les jours là-bas.
Je ne suis pas une grande fan de ramen, même si c’est très bon.
Pour ce qui est boissons, en général, je ne bois que du thé japonais : un bon thé sencha… Le soir je prends du hojicha ou du sobacha, et le midi du sencha.

Est-ce que tu as des repères japonais en France ?
Kioko, une épicerie japonaise, c’est un petit bout de Japon à Paris, où je trouve du natto, des umeboshi. Plus largement, le quartier Sainte Anne quand j’ai besoin de manger japonais.
Quand j’étais adolescente, j’allais au collège puis au lycée Jean de Lafontaine dans le 16e arrondissement de Paris, un des rares établissements publics, où on peut étudier le Japonais en langue vivante principale. Chaque matin durant toute ma scolarité, j’avais 45 minutes de transport pour apprendre le Japonais, avec tous les autres franco-japonais.
Depuis, j’ai abandonné les kanjis, j’ai tout oublié, il aurait fallu les pratiquer au quotidien. Je ne lis plus le japonais, alors que je le parle couramment.
Ma mère parle à ma fille en japonais. Comme moi, elle a deux prénoms, l’un japonais, l’autre français. Elle n’est pas encore allée au Japon, mais c’est sûr que c’est une culture que je souhaite lui transmettre. Mes références culturelles japonaises sont liées à l’enfance, j’ai grandi avec les dessins animés de Miyazaki des studios Ghibli. Je les ai redécouverts avec elle. Ce sont les seuls que je veux bien qu’elle regarde, en particulier Mon voisin Totoro et Kiki la petite sorcière. Les images sont magnifiques, les couleurs sont très belles, ça ne fait pas mal aux yeux, c’est doux, apaisant. Je ne m’en lasse pas, alors que ça doit faire la 20efois que je les revois !
Des liens particuliers avec l’Italie ?
Mes préférences culinaires vont d’abord à la nourriture japonaise, puis italienne, puis française.
J’adore la cuisine italienne en Italie, où elle est bien meilleure qu’en France, une sauce tomate toute simple n’a pas le même goût là-bas qu’ici.
J’essaye de reproduire chez moi à la maison mais je n’y arrive pas !
Les mots de la fin ?
Je vais en Italie pour manger !
Café Obrkof
41 boulevard Voltaire – Paris 11
obrkof.com
Typica Paris, specialty coffee
8 rue des Filles du Calvaire, Paris 3
typica-paris.fr
