
Personnalité de l’univers culinaire japonais en France, Patrick DUVAL continue d’animer l’école de sushi pour particuliers et professionnels, qu’il a créée il y a près de 15 ans, alors qu’il a revendu les restaurants parisiens Isse Izakaya et le Bar à sushi Izumi, dont il a été propriétaire durant une dizaine d’années. Celui qui auparavant avait été photographe et journaliste (notamment pour le journal Libération et le magazine Télérama), a aussi publié le magazine Wasabi dédié à la gastronomie japonaise durant plus de 15 ans. Désormais, le temps qu’il ne consacre plus à son activité de restaurateur et d’éditeur, est réservé en grande partie à deux de ses principaux centres d’intérêt, le dressage équestre, qu’il pratique depuis près de 40 ans, et la peinture qu’il a démarrée avec succès il y a seulement 2 mois.
Une évidence paraît quand on l’observe : l’équilibre. Un homme posé qui sait se montrer enthousiaste, un être joyeux, jovial, et rigoureux, Patrick DUVAL semble lunaire avec les pieds sur terre, déterminé, disponible, curieux.
Quels sont tes liens avec le Japon ?
J’ai d’abord fait connaissance avec ce pays à travers le livre de Roland Barthes, L’Empire des signes. J’étais à ce moment-là étudiant en philosophie, et même si l’auteur prévenait le lecteur que le pays dont il parlait n’était pas le « vrai » Japon, cela m’a immédiatement donné envie de le visiter, ce que j’ai fait presque aussitôt après avoir terminé le livre. C’était en mai 1981, au lendemain de l’élection du président de la République François Mitterrand. C’est une date importante dans ma vie, car c’est le jour où je me suis embarqué pour le Japon, et où j’ai arrêté de fumer. J’ai eu la chance de pouvoir y aller comme journaliste, et j’ai donc découvert un Japon différent des circuits touristiques habituels.
Plus tard, j’ai vécu 5 ans à Tokyo entre décembre 1990 et février 1996. J’aime beaucoup cette ville, que j’ai sillonnée en tous sens à scooter. Après mon retour en France, je me suis arrangé pour retourner au Japon au moins une fois par an, en organisant notamment des voyages gastronomiques en petits groupes. A Tokyo, j’aime beaucoup l’arrondissement de Setagaya où j’ai habité. Mais pour se divertir le soir, boire un verre, aller au restaurant, rien ne valait les quartiers de Shinjuku ou Shibuya.
Tu as des affinités particulières avec la cuisine japonaise ?
J’ai été restaurateur en cuisine japonaise, d’abord avec le Yuzu, ouvert à Nice en 2010 (revendu en 2015), le Bar à sushi Izumi à Paris en 2011, puis Isse Izakaya à Paris également, que j’ai repris en 2013 à Toshiro Kuroda[1]. J’ai vendu ces deux adresses parisiennes en 2022.
J’ai aussi publié le magazine Wasabi durant une quinzaine d’années (2004-2020).
Dès 2009, j’ai créé en une école de sushi, que je continue d’animer.
À Tokyo, on ne peut pas vraiment parler de spécialités tokyoïtes. C’est une ville qui compte, je crois, près de 100 000 restaurants, avec quasiment toutes les spécialités du monde.
Ce qui peut paraître paradoxal, c’est que le plat que j’ai le moins consommé lorsque j’habitais Tokyo, ce sont les sushi ! L’un de mes grands plaisirs, était d’aller dans des izakaya de quartier et, en hiver, de boire du saké presque brûlant. J’adorais aussi déguster un macaron chez Daloyau, qui avait ouvert une antenne dans le quartier de Jiyugaoka, presque identique à leur boutique en face du jardin du Luxembourg… On recherche souvent ce qu’on n’a pas…
En France, la sushiya Yushin, à Neuilly-sur-Seine, est selon moi la plus proche de ce qu’on peut trouver au Japon. Le chef connaît si bien les poissons, qu’il les sert au stade de leur maturation où ils sont le meilleur.
Ton ingrédient préféré de la cuisine japonaise ?
J’aime beaucoup l’anguille grillée, qui était l’une des grandes spécialités de mon restaurant Isse Izakaya. Le chef Izumi Terutaka recevait les anguilles vivantes, et les préparait de A à Z. Au Japon, c’est une spécialité à part entière, où l’on trouve beaucoup de restaurants spécialisés dans sa préparation. C’est un plat qu’il est recommandé de consommer en automne, et qui est censé donner de l’énergie pour faire du sport. Aujourd’hui, Izumi a ouvert son propre restaurant de sushi, Totto (6 rue Théophile Roussel, Paris 12), où il cuisine toujours les anguilles. On en déguste aussi d’excellentes chez Nodaiwa (272 rue Saint Honoré, Paris 1er), l’antenne parisienne d’une très vieille maison japonaise.
Tes références culturelles japonaises ?
J’aime beaucoup le jeune peintre japonais Yukimasa Ida, que j’ai découvert à l’occasion d’une exposition dans la galerie parisienne de Mariane Ibrahim. Son style est entre celui de Bacon et celui de Giacometti.
J’ai eu un choc en découvrant Abe Kobo, et notamment son chef-d’œuvre La femme des sables. Ce court roman fait vraiment penser à Kafka. L’auteur était très ami avec Hiroshi Teshigahara, qui a adapté le roman au cinéma, et a réalisé quelques autres films uniques en leurs genres. J’avais eu la chance de rencontrer Teshigahara durant mon séjour au Japon, et j’ai appris qu’il n’était pas seulement réalisateur de cinéma. Le cinéma était même une sorte de hobby pour lui. Son principal métier était de diriger l’école d’ikebana qu’avait créée son père Sofu Teshigahara, et qui est aujourd’hui encore la plus importante du Japon. Il était aussi peintre et céramiste.

Une suggestion de lecture japonaise
Le chrysanthème et le sabre, de Ruth Benedict et Le jeu de l’indulgence, de Doi Takeo. Ces deux ouvrages permettent à mon avis, de comprendre le Japon en profondeur lorsqu’on ne parle pas la langue. Mais je conseille à toute personne qui s’intéresse à ce pays de s’inscrire à un cours de japonais (L’Espace Japon à Paris est une bonne adresse). C’est fou ce qu’on peut apprendre sur la psychologie d’un peuple en étudiant sa langue…
Apprécies-tu l’Italie, la cuisine italienne, un plat en particulier ?
Il y a un plat en particulier que j’aime manger et préparer, qui lie les cultures italienne et japonaise : les spaghetti aux œufs de cabillaud. On peut le retrouver aussi au restaurant L’Inconnu (4 rue Pierre Leroux, Paris 7), dont le chef japonais prépare une excellente cuisine italienne.
Je vais en Italie chaque année pour écouter de l’opéra. J’aimerais en visiter chaque région durant les années qu’il me reste à vivre.
Les mots de la fin
L’Italie m’est aussi indispensable que le Japon, mais plus près.

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[1] Personnalité de l’univers culinaire japonais à Paris