
Originaire de Calabre, où il est né et où il a vécu, Leopoldo a grandi dans les Marches puis à Rome, avant de rejoindre la prestigieuse Ecole hôtelière de Lausanne. Il a enchainé les postes de directeur restauration et boisson, de palaces à renommée internationale, à Dubai, Cannes puis Paris. Marié à Ayana depuis 2013, avec qui il a deux petits garçons Giulio Kaoru, 7 ans et Yukio Luigi, 6 ans, ce globe-trotter, vit maintenant à Tokyo depuis décembre 2021. Peu après son arrivée, il a intégré la maison Dassai, pour accompagner les sommeliers et chefs des plus belles tables de Londres, Paris, Monaco, Genève, Milan, Dubai, Singapour et Macao, dans leur créativité autour du saké. D’autres projets sont en cours, à suivre donc !
Pour découvrir Alessandra PIERINI (épicerie et cave RAP ) : ici.
Où sont tes racines ? Comment le Japon s’est-il invité dans ta vie ?
Ma maman est de Calabre, mon papa est des Marches.
Je suis né en Calabre, où nous avons vécu face au volcan Stromboli, puis un peu dans les Marches, puis à Rome.
À 19 ans, je suis parti à l’Ecole hôtelière de Lausanne en Suisse, le choc : autre paysage, autre environnement, autre culture !
Le Japon m’a toujours attiré depuis que je suis petit, mais la 1re fois que j’y suis allé, j’avais 26 ans, je travaillais alors à Dubaï, j’en ai fait le tour : Tokyo, Kyoto, Osaka, Hiroshima, pensant ne jamais y retourner.
Seulement un an plus tard, à Dubaï, j’ai rencontré Ayana, mon épouse, originaire d’Osaka. Quand elle a quitté Dubaï, je suis allée la voir à Tokyo, où elle travaillait pour un magazine de mode japonais, puis nous avons fait plusieurs allers-retours régulièrement.
Le vin et le saké jalonnent ton parcours ?
Mon grand-père avait une vigne dans les Marches, il servait le Vatican, nous avons encore quelques bouteilles.
Mon père m’a offert une formation de sommelier en Italie pour mes 18 ans. Depuis je n`ai jamais arrêté de découvrir.
J’aime toutes les boissons : le whisky, le sherry, le vin de Champagne, les vins natures…
Le saké m’a intéressé dès mon 1er voyage au Japon. Ma connaissance s’est approfondie davantage en y retournant. J’ai été correspondant pour une revue japonaise spécialisée, cet univers me passionne, le marché du saké en Europe est encore très petit.
En 2015, j’ai suivi la formation et passé l’examen de saké sommelier à Londres, chez Xavier Chapelou[1]. Il anime les cours avec Kumiko-San, intégrant la dégustation de sakés rares, pour démontrer leur variété. Il a été le 1er sommelier à importer le saké en Europe en 2001. Il a créé la formation, le concours du meilleur saké sommelier, le Bordeaux saké challenge, et bien d’autres événements. Il a imaginé une liqueur de yuzu viellie en fût de Cognac à Jarnac, qu’il vend à Londres, Dubaï. Il commercialise aussi du saké dans de belles bouteilles avec des noms anglais[2], il a tout compris au marketing et il a du succès.
Je suis fier aussi d’être le 1er italien ambassadeur du vin de Sauternes au Japon.

Ton plat italien préféré et une adresse où le savourer ?
C’est une spécialité de Rome, la carbonara, je m’en fais une tous les dimanches !
Les ingrédients : des pâtes, du pecorino, de l’œuf, du guanciale, du sel, du poivre, du poivre, du poivre… il ne faut pas hésiter à exagérer avec le poivre !
Mon plaisir est de retourner chez Otello alla Concordia (via della croce, 81), piazza di Spagna, à Rome, où j’allais avec mon père. J’ai connu beaucoup de spécialités de la cuisine de Rome grâce à lui. De là, est née ma passion pour la gastronomie, l’association entre nourriture et découverte de lieux de Rome spectaculaires, une atmosphère… Otello alla Concordia n’est pas très visible de l’extérieur, il faut emprunter un couloir, il y a une fontaine, c’était un peu mystérieux et magique à mes yeux d’enfant.
Ton plat japonais préféré et tes adresses culinaires à Paris et au Japon ?
Le kakinoha-sushi, typique de Nara, c’est un sushi de riz et poisson cru, enroulé pendant 3 jours dans une feuille de kaki. Il développe une saveur fumée et douceâtre…
Osaka, la ville de Ayana mon épouse, est proche de Nara, on y va dès que possible et autant que possible, on y retrouve le kakinoha-sushi partout. C’est une ville de temples, avec une forêt. Voir le Japon à travers les yeux d’Ayana, me révèle des nuances variées, m’éveille à une autre sensibilité.
À Paris, tous les samedis, nous allions chez Hokkaido (14 rue Chabanais), qui utilise une qualité de riz qui se rapproche au mieux de celui qui est cuisiné au Japon. Nous nous y sentions comme à la maison, et en attendant d’aller rejoindre Ayana au Japon, nos enfants voulaient y aller tout le temps, comme une façon pour eux d’y retrouver leur maman.
Owariya à Kyoto, est une maison de soba, dont la carte n’a pas changé depuis plus de 550 ans, un des restaurants préférés de la famille impériale. Je l’avais découverte lorsque j’étais allé à Tokyo puis à Kyoto, durant la semaine gastronomique.
Pour la cuisine italienne, le restaurant Sicilia à Tokyo dans le quartier Roppongi. Il faut descendre des escaliers très étroits, et tout en bas, j’ai retrouvé un coin d’Italie, inimaginable dans cette zone si moderne, cernée de gratte-ciels.
Soit dit en passant, la cuisine italienne qu’on trouve au Japon est très peu authentique, même si elle a beaucoup de succès…
Quant à la meilleure pizza de Tokyo, elle se trouve chez Peppe Napoli sta’ca’’ !!!
Des références culturelles en Italie, au Japon ?
Le musée de la culture latine (museo nazionale romano) à Rome, devant la gare de Termini. J’y étais allé pour la première fois avec ma mère quand j’avais 12 ans, j’y suis retournée avec Ayana, une façon de remonter aux sources de la culture italienne.
Au Japon, le 1er lieu qu’Ayana m’a fait découvrir, est le Yoyogi Park a Shibuya. C`est très dépaysant, un grand calme dans un quartier hyper-dynamique. J’aime beaucoup parce qu’il y a des komodaru de saké de tout le Japon dans une allée et juste en face, plein de barriques de grands domaines de Bourgogne. C’est une bonne façon de rapprocher les deux cultures et de m’attacher à l’harmonie du lieu !
Je ne lis pas mais j’ai une fascination pour les livres d’éditions anciennes.
Une œuvre m’a beaucoup marqué : « La conscience de Zeno », d’Italo Svevo[3]. Je voudrais le relire… C’est l’histoire d’un gars qui se fait une auto-analyse de conscience, avant de s’engager dans une psychanalyse. Le dernier chapitre est particulièrement troublant : l’auteur part en vrille et raconte que dans un futur proche, un petit homme ira au cœur de la terre, mettra une bombe et fera tout exploser. Fort en émotion, surprenant, infiniment moderne…
Un autre livre dont est tiré un film muet, m’a beaucoup marqué : « L’homme qui rit », de Victor Hugo[4].
Ces deux expériences expliquent peut-être ma « névrose » avec les livres !
Le mot de la fin ?
Kampai tout le monde !!!

[1] www.sakesommelierassociation.com
[3] Publié en 1923.
[4] Film muet sorti en 1928, réalisé par Paul Leni. L’histoire : en Angleterre, à la fin du 17e siècle, le roi Jacques II se débarrasse de son ennemi, le Lord Clancharlie, et vend son jeune fils, Gwynplaine, aux trafiquants d’enfants qui le défigurent. Le garçon s’enfuit et sauve du froid un bébé aveugle, Dea. Tous les deux sont recueillis par Ursus, un forain. Gwynplaine, baptisé « L’Homme qui rit », devient un célèbre comédien ambulant. Son destin sera bouleversé lorsqu’il découvrira plus tard, sous le règne de la reine Anne, ses origines nobles.